Nostalgames, voulait commercialiser une console « Rétro-Gaming », ils avaient lancé une campagne de financement participatif, récemment annulée par la plate-forme qui l’hébergeait. En effet, suite à divers signalements de non respect des licences des logiciels installés sur leur produit; les auteurs des dits logiciels ayant choisi des licences prohibant leur usage à des fins commerciales.
Étant donné que je contribue à Lakka − une distribution GNU/Linux entièrement libre et gratuite − qui s’appuie également sur ces logiciels (En réalité Lakka est même la distribution officielle de libretro, à l’origine de ces logiciels), j’ai voulu répondre au communiqué qu’ils ont récemment publié. Pour cela j’ai demandé à Kivutar, le fondateur et développeur principal de Lakka, de se joindre à moi pour écrire ce billet. Nous allons exposer notre point de vue sur Nostalgames, leur projet de console « RetroPac ».
RetroPac, une console de jeux clé en main qui met l’intelligence collective à la portée de tous.
Tous les gamers ne sont pas des informaticiens et développeurs chevronnés… Dans les années 1990 c’était même un des principaux points de différenciation entre les adeptes de la console et du PC ! C’est justement à l’usage des premiers que le RetroPac souhaite s’adresser.
Lakka aussi. Par contre ça demande quelques efforts triviaux au lieu de quelques deniers supplémentaire pour financer l’assemblage et justifier la marge facile que se serait fait Nostalgames. Le truc c’est que la grosse partie du travail se situe du coté des logiciel. Retroarch et libretro se sont construits sur plusieurs années, avec de nombreux efforts, le tout sans être rémunérés parce qu’il y avait une volonté de partage et d’entraide, de bienveillance entre les contributeurs/utilisateurs.
Émulateurs et jeux rétros
Les fans de jeux vidéo anciens, privés de leurs consoles obsolètes, ont développé des « émulateurs » permettant de transcrire d’anciens jeux sur PC. La plupart de ces émulateurs sont aujourd’hui disponibles en ligne, gratuitement, et régis par le code des logiciels libres (GPL v3).
On ne parle pas de code des logiciels libre à moins qu’il s’agisse du code source, mais plutôt d’éthique. Sous l’ange légal on parle de Licence. GPL v3 en est une de ces licences mais il en existe une pléthore. Certains plus permissives que d’autres, et d’autres plus restrictive, notamment en ce qui concerne la commercialisation. Nous verrons plus loin que c’est là que le bas blesse.
Ainsi, aujourd’hui certains gamers sont capables d’assembler eux-mêmes, chez eux, les composants d’une « console » permettant de rejouer aux jeux vidéo des années 1970 à 2000. Mais cette pratique est réservée aux initiés…
Assembler vous même une console de jeu est bien plus facile qu’il n’y parait, vous seriez surpris ! Toutefois, il est vrai que ça reste trop compliqué pour les gens qui n’ont pas d’ordinateur, ou pour les enfants non accompagnés. Donc l’idée d’avoir un produit bien finalisé sur le marché est bonne. Ce qui pose souci, c’est la loi. Premièrement, les émulateurs permettant de jouer à la SuperNES et la Megadrive sont sous licence « Non Commercial ». Ça veut dire que les auteurs refusent que leur code soit utilisé dans un produit vendu. Ils font ça pour se protéger des boites comme Nintendo et SEGA qui pourraient les attaquer pour le manque à gagner. Toutefois, si tous les auteurs tombent d’accord, ils peuvent octroyer une autorisation spéciale pour la vente. Mais il est quasiment impossible d’atteindre un tel accord au vu du nombre d’auteurs, qui dépasse les 20. Certains sont totalement opposés au commerce et c’est leur droit le plus naturel.
C’est pour répondre à ce besoin que Nostalgames s’est lancé dans la production de le RetroPac, une console clé en main, composée d’une carte mère Raspberry Pi3, hardware largement distribué sur laquelle a été installé un système d’exploitation spécifiquement créé : NostalOS. Ce système d’exploitation est une distribution propre de Linux, complétée avec d’autres logiciels open-source, selon leurs licences et les accords conférés lorsque nécessaire.
Floréal les avait contactés à ce sujet, pourquoi faire leur propre OS alors que Lakka existe et fonctionne très bien? Pourquoi ne l’ont-ils pas choisi? Il eût été plus judicieux d’inclure cette dernière, et de contribuer à son développement, par exemple en corrigeant des bugs, s’ils n’ont pas le bagage technique pour, ouvrir des tickets pour les signaler, etc.
Lakka est évoqué mais ça aurait pu être des tas d’autres projets similaires: RetroPie, RecallBox, LibreElec + Retroarch AddOn, etc.
Donc en gros, ces logiciels existent déjà, et au lieu d’y contribuer, Nostalgames préfère réinventer la roue. Pourquoi ? Quand on lit leurs premières interventions sur les réseaux sociaux, on peut voir qu’ils comptaient fermer le code de leur produit. C’est une stratégie pour se protéger, pour que personne ne puisse copier leur projet. En gros, ils sont d’accord pour utiliser le travail des autres, par contre, pas d’accord pour que les autres utilisent le leur !
A noter, il n’y a aucune Tivoisation sur le RetroPac ; l’utilisateur est libre d’utiliser sa console de la manière dont il le souhaite car l’accès au Shell n’est pas verrouillé.
La tivoisation est la création d’un système qui inclut des logiciels libres, mais utilise le matériel électronique pour interdire aux utilisateurs d’y exécuter des versions modifiées. Merci Wikipedia. C’est une bonne chose qu’ils ne s’y soient pas essayés. Ça aurait violé la majorité des licenes.
Droit d’utilisations des logiciels utilisés Pour les émulateurs sous licence GPLv3, l’utilisation commerciale est permise. C’est notamment le cas de Libretro/RetroArch, le plus connu d’entre eux.
Au delà du respect de la propriété intellectuelle, Nostalgames comprend que l’écosystème des logiciels libres a besoin de ressources pour se développer, et réitère son engagement à libérer des fonds pour les aider.
Pour l’instant il n’y a pas eu d’acte. Comme dit plus haut, Nostalgames n’a montré aucun signe de collaboration avec les équipes qui ont développé la base de leur produit. Seulement de belles paroles. Et puis, ce n’est pas des fonds dont nous avons besoin mais de contribution, de don de matériel, et les dons financiers sont exclusivement affectés à ces derniers1. En ce qui nous concerne, nous faisons du logiciel libre non rémunéré dans une optique qualitative. Nous ne voulons pas avoir à faire une impasse sur une fonctionnalité utile ou juste sympa ou sur la qualité intrinsèque de ces projets, ce qui est incompatible avec la logique financière de retour sur investissement; et avoir à rendre des comptes à des gens qui ont des attentes légitimées par des contributions pécuniaires. En d’autre termes nous souhaitons vivre pour faire du Logiciel libre et pas faire du logiciel libre pour en vivre.
Et surtout, la communauté n’a pas besoin de RetroPac pour se développer. Un projet commercial qui ne respecte pas les licences et en fait la dernière chose dont nous aurions besoin.
Concernant le SNES9x 2002 (logiciel à utilisation non-commerciale), également utilisé dans la console, Nostalgames a contacté les personnes citées dans le fichier de licence et a obtenu l’accord explicite des ayants droits sur cette version. Les autres personnes listées dans le fichier de licence sont citées pour leur participation au code (qui est disponible par ailleurs sous GPLv2, réadapté par les deux créateurs).
C’est faux. Il en va de même avec les auteurs de GensPlusGX. Tous les auteurs doivent être contactés, et cela relève de l’impossible, car tous les auteurs ne sont pas forcément d’accord.
Commercialisation et intelligence collective
Le RetroPac met à disposition de tous des technologies jusque-là réservées à une population d’initiés afin de démocratiser la pratique du retrogaming.
On trouve des cartes-PC pas chères chez des enseignes grand public. De plus, si le retrogaming à base d’émulation est réservé à une population d’initié, c’est pour une raison : la loi est peu claire à ce sujet. L’émulation n’est pas forcément illégale en soit, mais c’est limite, et une jurisprudence défavorable à l’émulation serait fort dommageable et criminaliserait de fait les auteurs et les utilisateurs d’émulateurs.
Le coût de la console prend ainsi en charge l’achat des composants (tous disponibles en vente libre), leur assemblage, l’intégration des logiciels nécessaires à l’exploitation des jeux, ainsi que tous les coûts inhérents au bon fonctionnement d’une entreprise. La plus-value de la console réside dans la création d’un système d’exploitation propre, NostalOS, et de la facilité de prise en main d’une console certifiée CE et garantie 2 ans.
Oui mais comme dit plus tôt, il y a tout le travail fourni par la communauté rassemblée autour de Retroarch et libretro. Nous considérons davantage que la plus-value se situe là plutôt que dans l’achat, l’assemblage - à la porté de n’importe qui - et la revente de matériel. Si Retroarch et libretro ou tout autre projet similaire n’existait pas, le RetroPac n’aurait jamais vu le jour, puisque comme Nostalgames le dit, NostalOS est composé de ces logiciels.
Le RetroPac est ainsi destinée à la communauté des gamers « non geeks » qui ne sont pas en mesure d’assembler eux-mêmes leur console et favorise ainsi la diffusion des logiciels libres hors de la communauté des développeurs.
Encore une fois, ce n’est pas du tout compliqué, et il nous parait très condescendant de considérer une élite « Geek » face à une plèbe « non geek ». Vouloir créer un tel clivage n’a pas de sens. Il faut arrêter d’effrayer les gens avec la technologie « qui est trop compliquée » et de les rabaisser au rang de simples consommateurs ignares. C’est très irrespectueux. L’entraide est une meilleure solution que le « tout fait, tout cuit ». C’est la vision qui nous a poussé à faire de Lakka ce qu’elle est devenue. On voulait quelque chose de facile à utiliser, on l’a fait, et maintenant on le partage. Si vous n’êtes pas en mesure de monter vous même votre console de jeu, vous pouvez demander à un ami ou un cousin calé en informatique de vous montrer comment faire. Une fois qu’on connaît Lakka ou Recalbox, ça prend moins de 20 minutes pour avoir le même résultat. Sauf que cette fois, c’est respectueux du point de vue des licences.
Nostalgames a travaillé avec ses conseillers juridiques et s’engage à prendre en considération tous les questionnements de propriété intellectuelle mais également de qualité du RetroPac, dans le désir de faire progresser le projet et d’avancer dans un esprit collaboratif.
Nostalgames aurait mieux fait de travailler avec les contributeurs plutôt qu’avec des organismes légaux, les choses se seraient mieux passé, comme pour la gamegirl, par exemple, qui nourrit des ambitions similaires, mais qui est plus proche de la communauté, et dont l’auteur a pas mal contribué à libretro et Lakka.
Mais revenons à Nostalgames. On voit plutôt ici la mise en place d’une protection juridique, qu’une volonté réelle de faire du collaboratif. De plus, leurs juristes ne devaient probablement pas avoir tous les éléments à leur disposition pour répondre convenablement à leurs demandes. En fait, nous comprenons mal comment on a pu conseiller à ces étudiants de commercialiser un produit basé sur l’émulation.
Au final C’est un énorme gâchis en terme de temps et d’énergie pour Nostalgames ainsi que pour l’équipe de Retroarch, qui aurait pu être employé à travailler sur leurs projets, tout ça parce que de jeunes commerciaux ont été mal conseillés, et ne se sont pas rapprochés des bonnes personnes. Est-ce là un problème culturel ?
De nombreux projets semblables a « RétroPack » ont été tentés. La plupart sont morts dans l’œuf comme ce dernier. Certains ont marché, et arrivent à vivoter.
Malgré les reproches que nous avons fait à Nostalgames au court de ce billet, nous reconnaissons tout de même qu’ils ont, au fil de leur projet, tenté de corriger leurs erreurs. Ils ont été ambitieux, mais ont choisi une voie qui, dans ce contexte, ne pouvait qu’échouer.
Leur première grosse faute c’est d’avoir prétendu révolutionner le monde du retrogaming, en ventant leur produit a eux, en oubliant que tout le travail qu’ils n’ont pas fait, c’est une communauté de passionnés qui l’a fait pour eux. Ce manque de reconnaissance leur a valu une grosse levée de bouclier de l’équipe Retroarch.
La seconde, c’est d’avoir voulu être procéduriers, et se blinder juridiquement. Forcément des choses leur ont échappé et l’équipe Retroarch, déjà hostile à se projet s’est engouffré pans ces failles.
C’est juste dommage, s’ils avaient mieux conseillés, RetroPack aurait certainement marché. seulement ils n’ont pas fait le plus important: Contribuer et S’intégrer à une communauté. Si seulement ils avaient eu de meilleurs conseils de leurs professeurs.
Enfin, nous souhaitons adresser de sincère remerciements à l’équipe de KissKissBankBank d’avoir réagi avec justesse aux signalements qui leur ont été soumis, et pour leur bienveillance vis-à-vis des communautés rassemblées autour du Logiciel Libre.
Nous avons finalement accepté les dons financiers car des utilisateurs nous l’ont demandés car ils n’avaient pas d’autres moyens de contribuer au projet, alors que nous y étions opposés. ↩